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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/234

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CHAPITRE CX.

Ce n’était là que le prélude, et il allait nous débiter de plus grandes inepties, quand une servante de Tryphène emmena Giton dans l’entre-pont du vaisseau, et orna la tête du pauvre enfant d’une perruque appartenant à sa maîtresse[1]. Elle tira aussi d’une boîte des sourcils postiches[2], et les ajusta avec tant d’adresse sur les endroits qui avaient été rasés, qu’elle lui rendit tous ses charmes. Retrouvant alors en lui le véritable Giton, Tryphène en fut émue jusqu’aux larmes, et cette fois l’embrassa de tout son cœur. Je n’étais pas moins enchanté qu’elle de revoir Giton dans tout l’éclat de sa beauté ; et cependant je me cachais le visage le plus que je pouvais ; car je comprenais sans peine tout ce que ma laideur avait de repoussant, puisque Lycas lui-même dédaignait de m’adresser la parole. Mais cette même servante vint à mon secours et dissipa mon chagrin : me prenant à part, elle me couvrit la tête d’une chevelure d’emprunt, non moins belle que celle de Giton. Mon visage en devint même plus agréable, parce que cette perruque était blonde. Cependant Eumolpe, notre défenseur au moment du danger, et l’auteur de notre réconciliation, voulant entretenir notre gaieté par des propos plaisants, se mit à débiter mille folies sur la légèreté des femmes, sur leur facilité à s’enflammer, sur leur promptitude à oublier leurs amants. — Il n’y a pas, disait-il, de femme, quelque prude qu’elle soit, qu’une passion nouvelle ne puisse porter aux