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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/236

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maîtresse, et ranimant la lampe placée sur le cercueil, toutes les fois qu’elle était prête à s’éteindre. Il n’était bruit, dans la ville, que de ce sublime dévouement, et les hommes de toute classe le citaient comme un exemple vraiment unique de chasteté et d’amour conjugal. Dans ce même temps, il advint que le gouverneur de la province fit mettre en croix quelques voleurs, tout proche de ce même caveau où notre matrone pleurait la perte récente de son époux. La nuit suivante, le soldat qui gardait ces croix, de peur que quelqu’un ne vînt enlever les corps de ces voleurs, pour leur donner la sépulture[2], aperçut une lumière qui brillait au milieu des tombeaux, et entendit les gémissements de notre veuve. Cédant à la curiosité innée chez tous les hommes, il voulut savoir qui c’était, et ce qu’on faisait en cet endroit. Il descend donc dans le caveau ; et, d’abord, à l’aspect de cette femme d’une beauté plus qu’humaine, il s’arrête, immobile d’effroi, comme s’il avait devant les yeux un fantôme ou une apparition surnaturelle. Mais bientôt ce cadavre étendu sur la pierre, ce visage baigné de larmes, ces marques sanglantes que les ongles y ont creusées[3], tout ce qu’il voit dissipe son illusion ; et il comprend enfin, comme cela était vrai, que c’était une veuve qui ne pouvait se consoler de la mort de son époux. Il commença donc par apporter dans le caveau son pauvre souper de soldat, puis il exhorta la belle affligée à ne pas s’abandonner plus longtemps à une douleur inutile, à des gémissements superflus. — La mort, lui dit-il, est le terme commun de tout ce qui existe ; le tombeau est pour tous le dernier asile. — Enfin il