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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/242

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l’exciter encore plus contre moi, et m’accabler sous le poids de leur commune vengeance. Or, vous saurez que la suivante avait pris un goût très-vif pour moi dans le temps de mes liaisons avec Tryphène : affligée de m’avoir surpris avec sa maîtresse, elle poussait de gros soupirs ; je la pressai vivement de m’en apprendre la cause ; et, après quelque résistance, sa douleur s’exhala en ces termes : — S’il existe encore dans votre âme quelques sentiments honnêtes, vous ne devez pas faire plus de cas de Tryphène que d’une coureuse ; si vous êtes un homme, vous ne devez pas rechercher les caresses d’une prostituée.

Tout cela me causait de vives inquiétudes ; mais ce que je redoutais le plus, c’était qu’Eumolpe n’en fût instruit, et que ce railleur impitoyable ne voulût me venger, par une satire, de l’affront qu’il prétendrait que j’avais reçu ; car son zèle aveugle m’eût couvert par là d’un ridicule dont l’idée seule me faisait trembler. Je réfléchissais, à part moi, aux moyens de lui tout cacher, quand je le vis entrer. Il était déjà au fait de cette histoire, dont Tryphène avait fait confidence à Giton, aux dépens duquel elle avait voulu s’indemniser de mes refus : ce qui excitait d’autant plus la colère d’Eumolpe, que ces coupables violences étaient des contraventions manifestes au traité de paix que nous venions de conclure. L’officieux vieillard, s’apercevant de ma tristesse, parut compatir à mon sort, et m’ordonna de lui raconter comment la chose s’était passée. Voyant qu’il était instruit de tout, je lui avouai franchement