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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/243

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les brutales attaques de Lycas et les lascifs emportements de Tryphène. À ce récit, il jura formellement de nous venger, ajoutant que les dieux étaient trop justes pour laisser tant de crimes impunis.


CHAPITRE CXIV.

Tandis qu’il proférait ces imprécations, la mer s’enfle[1], les nuages s’épaississent, et les ténèbres nous dérobent la clarté du jour. Les matelots tremblants courent à la manœuvre, et dérobent les voiles aux coups de la tempête.

Mais le vent, qui changeait à chaque minute, agitait les flots dans tous les sens, et le pilote ne savait quelle route tenir. Tantôt nous étions poussés vers la Sicile ; tantôt l’Aquilon, qui règne en maître sur les côtes de l’Italie[2], chassait çà et là notre navire, en butte à sa fureur ; et, pour comble de danger, l’obscurité était si grande, que le pilote pouvait à peine entrevoir la proue du vaisseau. Mais lorsque la tempête fut à son comble, Lycas, épouvanté et tendant vers moi ses mains suppliantes : — Encolpe, s’écria-t-il, secourez-nous dans cette extrémité ; rendez le voile sacré et le sistre à la patronne de ce navire ! Au nom des dieux, daignez compatir à notre sort : votre cœur ne fut jamais sourd à la pitié ! — Il criait de toutes ses forces, quand un coup de vent le jeta dans la mer. Nous le vîmes reparaître un instant, tournoyer sur la vague, puis le gouffre béant l’engloutit sans retour[3]. Déjà des