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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/245

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Il ne restait plus de mâts, plus de gouvernail, plus de câbles, plus de rames ; tout avait disparu ; et désormais, semblable à une informe et grossière charpente, le navire roulait ballotté par les flots.

Des pêcheurs, montés sur de petites barques, accoururent, animés de l’espoir du butin ; mais lorsqu’ils virent sur le pont quelques passagers prêts à défendre leurs biens, ils changèrent leurs projets de pillage en offres de service.


CHAPITRE CXV.

Tout à coup un bruit extraordinaire se fait entendre sous la chambre du pilote : on eût dit les hurlements d’une bête féroce qui cherche à sortir de sa cage. Nous courons vers l’endroit d’où les cris semblent partir : qu’y trouvons-nous ? Eumolpe assis devant un immense parchemin qu’il couvrait de ses vers. Chacun s’étonne de voir un homme, que la mort menace de si près, s’occuper tranquillement d’un poëme[1] ; et, malgré ses cris, nous le tirons de là, et nous l’engageons à songer à son salut. Mais, furieux d’être interrompu dans son œuvre : — Laissez-moi, nous criait-il, achever ce passage ; mon poëme est presque fini. — Je me saisis de ce frénétique, j’appelle Giton à mon aide, et nous traînons jusqu’au rivage le poëte mugissant de colère. Après cette pénible expédition, nous entrâmes, le cœur navré, dans la cabane d’un pêcheur ; nous y prîmes, tant bien que mal, un repas dont quelques vivres avariés firent tous les frais, et nous y passâmes la plus