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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/250

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nous procurer tout l’argent dont nous aurons besoin pour le moment. — Que tardons-nous, reprit Eumolpe, à faire le plan de notre comédie ? Si l’affaire vous convient, je remplirai le rôle du maître. — Aucun de nous n’osa blâmer une entreprise où nous n’avions rien à perdre. Aussi, pour que cette fourberie restât entre nous un secret inviolable, nous prêtâmes entre les mains d’Eumolpe le serment, dont il nous dicta la formule, de souffrir le feu, l’esclavage, la bastonnade, la mort même, en un mot tout ce qu’il ordonnerait ; enfin nous jurâmes par tout ce qu’il y a de plus sacré d’Être à lui, corps et âme, comme des gladiateurs légalement engagés. — Cette formalité remplie, nous nous déguisons en esclaves, et nous saluons notre nouveau maître. Il fut aussi convenu entre nous qu’Eumolpe venait de perdre un fils, jeune homme très-éloquent et d’une grande espérance ; que, depuis sa mort, le malheureux père s’était exilé de sa ville natale, pour ne pas avoir sans cesse devant ses yeux le tombeau, les clients et les amis de son fils, qui renouvelaient chaque jour la source de ses larmes ; que, pour surcroît d’affliction, il venait d’essuyer un naufrage dans lequel il avait perdu deux millions de sesterces ; mais que cette perte le touchait moins que celle de ses serviteurs, qui l’empêchait de paraître avec l’éclat convenable à son rang ; qu’il possédait encore en Afrique trente millions de sesterces en biens-fonds et en argent placé, et qu’il avait une si grande quantité d’esclaves répandus dans ses domaines de Numidie, qu’on en formerait une armée assez nombreuse pour prendre