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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/251

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Carthage. Notre plan ainsi arrêté, nous conseillâmes à Eumolpe de tousser beaucoup, comme un homme attaqué de la poitrine, d’affecter en public un grand dégoût pour tous les aliments, de ne parler que d’or et d’argent ; de se plaindre sans cesse de la stérilité continuelle des terres et de l’incertitude de leur revenu. Il devait encore s’enfermer tous les jours pour calculer, et changer à chaque instant quelques-unes des clauses de son testament. Enfin, pour que la comédie fût complète, il devait, lorsqu’il appellerait quelqu’un de nous, feindre de prendre un nom pour un autre, afin que l’on s’imaginât qu’il croyait avoir encore auprès de lui ceux de ses esclaves qui étaient absents. Lorsque tout fut réglé de la sorte, nous priâmes les dieux de nous accorder un prompt et heureux succès, et nous nous remîmes en route. Mais Giton succombait sous un fardeau au-dessus de ses forces ; et Corax, le valet de louage, pestant contre sa condition, posait fréquemment à terre le bagage, et se répandait en imprécations contre nous, qui marchions trop vite, jurant qu’il allait tout jeter à terre ou s’enfuir avec sa charge. — Quoi donc ! disait-il, me prenez-vous pour une bête de somme, ou pour un vaisseau de transport ? Je me suis loué pour faire le service d’un homme et non d’un mulet. Je suis né libre comme vous, quoique mon père m’ait laissé sans fortune. — Non content de ces plaintes, il levait de temps en temps la jambe, et, chemin faisant, se permettait des incongruités qui blessaient également notre oreille et notre odorat. Giton riait de tout son cœur de l’au-