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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/261

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Leur front, blanchi de neige, est caché dans la nue ;
Le ciel semble s’asseoir sur leur tête chenue.
Là, jamais n’a fleuri la rose du printemps ;
Là, Phébus est armé de rayons impuissants ;
Et ces rocs, des frimas antiques tributaires,
Opposent aux étés leurs glaces séculaires.
César aime à fouler ces sommets sourcilleux.
Rome, de ces hauteurs, n’est qu’un point à ses yeux.
Malgré lui, cependant, il soupire, il s’écrie :
— Dieux immortels ! et vous, ô champs de l’Hespérie,
Pleins encor de mon nom, fameux par mes combats[2],
Je vous atteste ! Rome a seule armé mon bras.
A regret ma fierté court venger son injure[3].
Et pourquoi m’a-t-on vu dompter le Rhin parjure,
A l’orgueil d’Albion dicter de justes lois,
Et, loin du Capitole, enchaîner les Gaulois ?
C’est pour toi, peuple ingrat, que fatigue ma gloire
Pour toi, qui me proscris !… Hélas ! à la victoire
Cinquante fois César a conduit tes guerriers ;
Deux fois j’ai vu mon sang arroser mes lauriers.
Les voilà, mes forfaits ! Quels sont donc ces pygmées
Qui préparent des fers à mes mains désarmées ?
Étrangers sans vertus, vil ramas de brigands,