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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/269

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mière condition, qu’il se vantait à ceux qui l’entouraient, que rien dans Crotone n’était impossible à son crédit ; et que, si l’un d’entre eux commettait quelque délit dans la ville, il pourrait le soustraire au châtiment par la protection de ses amis. Pour moi, bien que j’engraissasse à vue d’œil au sein de l’abondance dont nous jouissions, et que j’eusse lieu de croire que la fortune se lassait de me poursuivre, je ne laissais pas de réfléchir souvent tant à ma position présente qu’à la cause qui l’avait produite. Que deviendrions-nous, me disais-je, si un de ces rusés intrigants s’avisait d’envoyer prendre des informations en Afrique, et découvrait notre fourberie ? si le valet d’Eumolpe, las de son bonheur présent, allait donner l’éveil à nos amis, et, par jalousie, leur révélait tout le mystère ? Il nous faudrait donc de nouveau, errants et fugitifs, après avoir triomphé de la pauvreté, mendier pour soutenir notre existence ! Grands dieux ! à combien de dangers sont exposés ceux qui vivent en dehors des lois[1] ? Ils craignent sans cesse les châtiments qu’ils ont mérités. Tout en faisant ces tristes réflexions, je sortis de la maison pour prendre l’air et pour me distraire l’esprit. Mais à peine avais-je fait quelques pas sur la promenade publique, qu’une jeune fille d’un extérieur agréable vint à ma rencontre, et, me saluant du nom supposé de Polyaenos, que j’avais pris depuis ma métamorphose, m’annonça que sa maîtresse me priait de lui accorder un moment d’entretien. — Vous vous trompez, lui répondis-je tout troublé, je ne suis qu’un esclave étranger, tout à fait indigne d’une telle faveur.