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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/270

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CHAPITRE CXXVI.

Non, reprit-elle, c’est bien vous que l’on m’a désigné. Mais, fier de votre beauté dont vous savez le prix, vous vendez vos caresses et ne les prêtez pas[1]. Pourquoi vos cheveux sont-ils si artistement bouclés ? pourquoi votre visage emprunte-t-il au fard son éclat[2] ? à quoi bon ces œillades tendres et lascives[3], cette démarche compassée et ces pas qui ne s’écartent jamais de la même mesure[4], si ce n’est pour mettre votre beauté à l’enchère et en faire commerce ? Regardez-moi bien : je n’entends rien aux augures ni aux calculs astronomiques ; mais je lis sur le visage d’un homme ses habitudes, et, en vous voyant marcher ainsi, j’ai deviné ce que vous aviez dans l’âme. Si donc vous vendez la denrée que nous cherchons, l’acheteur est tout prêt ; si vous la prêtez, ce qui est plus honnête, consentez à ce que nous vous soyons redevables de nos plaisirs. Quant à votre humble condition d’esclave que vous m’objectez, elle ne peut qu’aiguillonner encore plus la vivacité de nos désirs. Il est des femmes qu’enflamme l’odeur des haillons ; rien n’excite leur passion comme la vue d’un esclave ou d’un valet de pied à la robe retroussée ; d’autres, dont un gladiateur, un muletier couvert de poussière, ou un histrion prostitué aux plaisirs du public, allument l’appétit. Ma maîtresse est de ce goût : elle franchirait quatorze gradins au delà de l’orchestre, pour aller chercher l’objet de ses désirs dans les derniers rangs de la populace. — Charmé du gracieux babil de