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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/271

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l’aimable messagère : — Et ne seriez-vous pas, lui dis-je, celle à qui j’ai le bonheur de plaire ? — Cette mauvaise plaisanterie la fit rire aux éclats : — Pas tant de présomption, je vous prie ; apprenez que je ne me suis jamais livrée à un esclave : me préservent les dieux de voir l’objet de mes affections exposé à être mis en croix ! C’est bon pour les femmes de condition qui baisent les cicatrices que le fouet a creusées sur les épaules de leurs amants. Je ne suis qu’une servante ; mais je ne fraye qu’avec des chevaliers[5]. — Je ne pouvais me lasser d’admirer le contraste qui existait entre ces deux femmes : n’est-ce pas le monde renversé, me disais-je, que de trouver dans une servante la fierté d’une dame de premier rang, et dans une dame de qualité les goûts abjects d’une servante ? Cet entretien plaisant se prolongea longtemps ; enfin je priai cette fille d’amener sa maîtresse sous les platanes voisins. Elle approuva cet avis, et, relevant sa robe, elle disparut dans un bosquet de lauriers qui joignait la promenade. Elle ne me fit pas longtemps attendre, et sortit bientôt de ce mystérieux asile avec sa maîtresse, qui vint s’asseoir à côté de moi. Jamais la sculpture ne produisit rien de plus parfait : les paroles me manquent pour faire la description de tant de charmes, et tout ce que j’en pourrais dire serait trop peu. Ses cheveux, naturellement frisés et relevés sur un front étroit[6], retombaient en boucles innombrables sur ses épaules ; ses sourcils fuyaient en arc jusqu’à ses tempes, et se croisaient presque ; le tout avec une grâce infinie. Ses yeux étaient plus brillants que les étoiles