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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/273

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Jeune homme, me dit-elle, si vous ne dédaignez pas une femme de quelque distinction, et qui, il y a un an, était encore vierge[3], acceptez-moi pour votre sœur. Vous avez un frère, je le sais, et je ne rougis point des informations que j’ai prises à cet égard ; mais qui vous empêche d’avoir aussi une sœur ? c’est à ce titre que je me présente, et vous pourrez, quand il vous plaira, sceller par un baiser les liens de notre parenté. — C’est plutôt moi, lui répondis-je, qui vous conjure par vos divins attraits de vouloir bien admettre un pauvre étranger au nombre de vos adorateurs. Permettez-moi de vous aimer, et je voue à vos appas un culte religieux ; mais gardez-vous de croire que je me présente sans offrande à votre autel : je vous abandonne ce frère dont vous me parlez. — Qui, moi, répliqua-t-elle, exiger de vous le sacrifice de celui sans qui vous ne pouvez vivre, dont les caresses font tout votre bonheur, et pour qui vous avez tout l’amour que je voudrais vous inspirer ? — Elle prononça ces paroles avec tant de charme, sa voix était si douce, que je crus entendre le concert des Sirènes[4]. J’étais en extase, et, croyant voir rayonner autour d’elle une clarté plus brillante que celle des cieux, je la pris pour une déesse, et lui demandai quel était son nom dans l’Olympe. — Eh quoi ! me dit-elle, ma suivante ne vous a-t-elle pas dit que je m’appelais Circé ? Toutefois, je ne suis pas la fille du Soleil, et jamais ma mère n’eut le pouvoir d’arrêter à sa volonté l’astre du jour ; cependant je me croirais égale aux dieux, si les destins nous unissaient l’un à l’autre. Oui, je ne