Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/275

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sont-elles pour vous un objet de dégoût ? mon haleine, aigrie par le jeûne, est-elle fétide[1], ou quelque négligence de toilette offense-t-elle en moi votre odorat[2] ? ou plutôt ne dois-je pas attribuer votre état à la crainte que Giton vous inspire ? — La rougeur me couvrait le visage, et la honte acheva de m’ôter le peu de forces qui me restait : j’étais comme un homme perclus de tous ses membres. — O ma reine, m’écriai-je, je vous en supplie, n’accablez pas un malheureux en butte à quelque maléfice ! — Une excuse si frivole ne pouvait calmer la colère de Circé : elle jeta sur moi un coup d’œil de mépris, et, se tournant vers sa suivante : — Chrysis, lui dit-elle, parle-moi franchement ; suis-je donc repoussante ? suis-je mal mise ? ou quelque difformité naturelle obscurcit-elle l’éclat de ma beauté ? Ne déguise rien à ta maîtresse ; car j’ignore quel défaut l’on peut me reprocher. — Voyant que Chrysis se taisait, elle lui arrache un miroir qu’elle tenait[3] ; elle le promène sur toutes les parties de son visage, et, secouant sa robe un peu fripée, mais non pas chiffonnée, comme de coutume, par une lutte amoureuse, elle gagna brusquement un temple voisin, consacré à Vénus. Pour moi, semblable à un condamné, et comme épouvanté d’une horrible apparition, je me demandais si les plaisirs dont je venais d’être privé pouvaient avoir quelque chose de réel.

La nuit, jouet d’un doux mensonge,
Dans un jardin qu’il bêche en songe,