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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/278

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sorti de ma chambre, que Chrysis y entra, et me remit, de la part de sa maîtresse, une lettre ainsi conçue :


CIRCÉ À POLYAENOS, SALUT.

Si j’étais une dévergondée, je me plaindrais d’avoir été déçue ; mais, au contraire, je rends grâce à votre impuissance : elle a prolongé pour moi l’illusion du plaisir. Mais qu’êtes-vous devenu, je vous prie ? vos jambes ont-elles pu vous porter jusque chez vous ? car les médecins assurent qu’il faut des nerfs pour marcher. Jeune homme, prenez-y garde ! vous êtes menacé de paralysie ; et jamais malade ne me parut eu plus grand danger. Certes, vous êtes à moitié mort. Si le même froid vient à gagner vos genoux et vos mains, faites au plus tôt les apprêts de vos funérailles[1]. Mais qu’importe ? quoique vous m’ayez fait un sanglant affront, j’ai pitié de votre misère, et je consens à vous indiquer un remède à votre mal. Si vous voulez recouvrer la santé, sevrez-vous de Giton ; trois nuits passées sans lui vous rendront toutes vos forces. Quant à moi, je ne crains pas de manquer d’amants ; mon miroir et ma réputation me rassurent à cet égard. Adieu, tâchez de vous rétablir, si c’est possible.

Dès que Chrysis vit que j’avais lu en entier cette mordante satire : — Votre aventure, me dit-elle, n’a rien d’extraordinaire, surtout dans cette ville où il y a des sorcières capables de faire descendre la lune du haut des cieux. Votre mal n’est