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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/283

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sonores ; déjà nos mains entrelacées avaient interrogé tous les organes du plaisir ; déjà nos corps, unis par les plus douces étreintes, allaient réaliser la fusion complète de nos âmes, quand tout à coup, au milieu de ces délicieux préludes de la jouissance, les forces m’abandonnent de nouveau ; et je ne puis atteindre au terme du plaisir. Exaspérée d’un affront désormais sans excuse, Circé ne songe plus qu’à se venger : elle appelle ses valets de chambre, et leur ordonne de me fustiger[1]. Mais bientôt ce châtiment lui paraît trop doux ; elle rassemble toutes ses servantes, et jusqu’à la valetaille chargée des plus vils emplois, et me livre aux insultes de cette canaille. Je me bornais, pour toute défense, à mettre mes mains devant mes yeux ; et, sans recourir aux prières, car je sentais que j’avais mérité un pareil traitement, je me laissai jeter à la porte roué de coups et couvert de crachats. La vieille Prosélénos fut aussi chassée de la maison, et Chrysis fut battue. Tous les domestiques affligés se demandaient à l’oreille quelle était la cause de la mauvaise humeur de leur maîtresse. Je rentrai chez moi le corps couvert de contusions et la peau plus bigarrée que celle d’une panthère. Je me hâtai de déguiser adroitement les marques des coups que j’avais reçus, de peur d’exciter, par ma triste aventure, les railleries d’Eumolpe, et de causer des chagrins à Giton. J’eus donc recours au seul expédient qui pût sauver ma réputation : je feignis d’être malade. Enfoncé dans mon lit, je tournai toute ma fureur contre l’unique cause de tous mes maux[2].