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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/284

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Trois fois ma main saisit un fer à deux tranchants ;
Trois fois le fer échappe à ma main défaillante :
Tel qu’un roseau, pliant sur sa tige mouvante,
S’incline Vers la terre au gré des moindres vents ;
Tel, et plus humble encor, l’auteur de ma disgrâce.
Le front baissé, plus froid que la plus froide glace,
Se dérobant aux coups de l’homicide acier,
Va jusque dans mon sein se cacher tout entier.
Ne pouvant le saisir dans ce dernier asile,
J’exhale en vains discours ma colère stérile.

Appuyé sur le coude, j’apostrophai en ces mots l’invisible contumax : Eh bien ! que diras-tu, opprobre de la nature ! car ce serait folie de te nommer parmi les choses sérieuses. Parle, que t’ai-je fait pour me précipiter au fond des enfers, quand je touchais à l’Olympe ? que t’ai-je fait pour flétrir les fleurs brillantes de mon printemps sous les glaces de la vieillesse la plus décrépite ? Qu’attends-tu donc pour me donner mon congé[3] ? Ainsi s’exhalait mon courroux :

Mais insensible, hélas ! à ma douleur amère,
Le malheureux s’obstine à regarder la terre.
Ainsi penche, accablé du poids de la chaleur,
Le pavot languissant ou le saule pleureur.

Dès que je pus réfléchir sur l’indécence de cette invective,