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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/289

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rée par nos cris, survint la prêtresse : — Que venez-vous faire ici ? nous dit-elle ; croyez-vous être ici devant un bûcher ? et cela dans un jour de fête, où les plus affligés doivent s’égayer ! — O Œnothée ! lui répondit la vieille, ce jeune homme que vous voyez est né sous un mauvaise étoile : ni filles ni garçons ne peuvent tirer parti de sa marchandise. Jamais vieillard plus impotent ne s’offrit à vos yeux. Ce n’est pas un homme, c’est un morceau de cuir détrempé dans l’eau[3]. En un mot, que pensez-vous d’un galant qui sort du lit de Circé sans avoir pu goûter aucun plaisir ? — À ces mots, Œnothée vint s’asseoir entre nous deux, et, branlant la tête d’un air capable : — Il n’y a que moi, dit-elle qui sache guérir ces sortes d’infirmités. Et ne croyez pas que je me vante mal à propos : que ce jeune homme couche seulement une nuit avec moi, et je vous le rends plus dur qu’une corne.

L’univers m’obéit. Je parle, et la nature
Se couvre d’un long deuil, ou revêt sa parure ;
Neptune me soumet ses flots humiliés ;
Le tigre s’adoucit ; des flancs d’un roc aride
_____Jaillit une source limpide ;
L’Aquilon vole et gronde, ou s’endort à mes pieds.
Dans l’ombre de la nuit, par mes charmes vaincue,
De son trône sanglant la Lune est descendue[4] ;