Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/294

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toutes les fèves répandues sur le plancher ; et la mort de leur chef fut sans doute le motif qui les décida à se retirer dans le temple. Pour moi, ravi tout à la fois de ma victoire et du butin qu’elle me procurait, je jette l’oie morte derrière le lit, et j’étuve avec du vinaigre la blessure légère qu’elle m’a faite à la jambe. Puis, craignant les reproches de la vieille, je forme le projet de me sauver. En conséquence, je ramasse mes hardes, et je me dirige vers l’a porte. Á peine j’en touchais le seuil, quand j’aperçois Œnothée qui revenait au logis portant du feu sur un vieux tesson. Je battis donc en retraite, et, quittant mon manteau, je me mis sur la porte dans l’attitude d’un homme qui attend avec impatience. La prêtresse pose son feu sur un tas de roseaux secs, y ajoute plusieurs morceaux de bois, et, tout en rallumant son foyer, s’excuse d’avoir tardé si longtemps : son amie, disait-elle, n’avait pas voulu la laisser partir avant d’avoir bu, comme de coutume, une triple rasade[2] : — Et vous, ajouta-t-elle, qu’avez-vous fait pendant mon absence ? où sont les fèves ? — Moi, qui croyais avoir fait la plus belle chose du monde, je lui racontai tous les détails du combat ; et, pour la consoler de la perte de son oie, je lui offris de lui en acheter une autre. Á la vue de la victime, la vieille poussa des cris si épouvantables, qu’on eût cru que les trois oies rentraient dans la chambre. Étourdi de ce vacarme, et ne comprenant rien à ce crime d’un nouveau genre, je demandai à la vieille quelle était la cause de son emportement, et pourquoi elle témoignait plus de chagrin de la perte de son oie que de ma blessure.