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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/297

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Il est tout ce qu’il veut, déclamateur, poëte,
Philosophe, avocat ; enfin, Caton nouveau,
Il décide de tout, au sénat, au barreau[2].
C’est beaucoup ! dira-t-on. Non, chez nous tout s’achète. Quiconque a des écus, tout sourit à ses vœux ;
Et le sceptre puissant du souverain des dieux,
  C’est, croyez-m’en, la clef d’une cassette.


Œnothée cependant dispose à la hâte les apprêts du sacrifice : elle place sous mes mains une gamelle pleine de vin, y trempe des poireaux et du persil, me fait étendre les doigts, et les arrose de cette liqueur en guise d’eau lustrale. Ensuite, elle plonge dans le vin des avelines, en prononçant des paroles magiques ; et, selon qu’elles restent au fond du vase ou remontent à sa surface, elle en tire des pronostics. Mais je n’étais pas dupe de sa ruse : je savais bien que celles qui étaient vides et sans amandes surnageaient, tandis que celles qui étaient pleines et dont le fruit était intact retombaient au fond par leur propre poids. Alors, s’approchant de l’oie, elle l’ouvrit, et en tira le foie qui était parfaitement sain[3] : elle s’en servit pour me prédire mes destinées futures. Enfin, pour détruire jusqu’au moindre vestige de mon crime, elle coupa l’oie en morceaux, et les mit à la broche pour en faire, disait-elle, un splendide régal à celui que, l’instant d’avant, elle vouait à la mort. Cependant, mes deux vieilles buvaient à qui mieux mieux, et, joyeuses, dévoraient à belles dents cette oie, naguère