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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/302

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et, me serrant dans ses bras avec la plus tendre effusion : — Enfin je te tiens[2], me dit-elle ; je te trouve dans l’état où je te voulais ! Polyænos, mon âme ! mon bonheur ! tu ne pourras éteindre le feu qui me dévore qu’avec le plus pur de ton sang. — L’emportement de Chrysis me mettait dans le plus grand embarras ; et j’eus recours, pour l’éloigner, aux plus douces protestations : car je craignais que le bruit que faisait cette folle ne vînt aux oreilles d’Eumolpe, qui, depuis sa prospérité, nous traitait avec l’orgueil d’un maître. Je mis donc tous mes soins à calmer les transports de Chrysis : je feignis de répondre à son amour ; je lui tins les plus tendres propos ; enfin, je dissimulai si bien, qu’elle me crut sérieusement épris de ses charmes. Alors je lui représentai les dangers auxquels nous serions exposés tous deux, si on la surprenait dans ma chambre ; je lui peignis Eumolpe comme un maître qui punissait avec rigueur la moindre peccadille. Á ces mots, elle s’empressa de partir, et d’autant plus vite, qu’elle vit revenir Giton, qui était sorti de ma chambre un moment avant son arrivée. Elle venait de me quitter, lorsqu’un des nouveaux valets d’Eumolpe accourut, et m’apprit que son maître était furieux de ce que je n’avais pas fait mon service depuis deux jours, ajoutant que je ferais sagement de préparer quelque excuse plausible pour me justifier : car, disait-il, il est fort douteux que sa colère se calme avant de vous avoir fait donner la bastonnade. Giton me trouva si triste, si consterné de cette menace, qu’il ne me dit pas un mot de Chrysis, et ne me parla que