Aller au contenu

Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien appris, il se prêta de bonne grâce à toutes mes caresses ; mais un dieu jaloux s’opposait encore à mon bonheur. Cependant ce nouvel échec m’affligea moins que les précédents ; car, un instant après, je sentis renaître ma vigueur. Fier de cette découverte : — Les dieux, m’écriai-je, m’ont restitué toutes les puissances de mon être. Sans doute Mercure, qui conduit les âmes au Tartare et les en ramène, m’a, dans sa bonté, rendu ce qu’une main hostile m’avait ravi, pour vous convaincre que je suis plus heureusement partagé que Protésilas ou tout autre héros de l’antiquité[2]. — À ces mots, je relève ma robe, et je me montre à Eumolpe dans toute ma gloire. Il en fut d’abord épouvanté ; puis, pour s’assurer davantage de la réalité, il caressa de l’une et l’autre main ce présent des dieux. Cette merveilleuse résurrection nous mit en belle humeur, et nous rîmes beaucoup du sage discernement[3] de Philumène, qui, dans l’espoir d’un riche héritage, nous avait livré ses enfants, dont l’expérience précoce dans cet honnête métier ne devait cette fois lui être d’aucun profit. Cet infâme manège pour séduire les vieillards me conduisit à réfléchir sur notre situation présente, et, trouvant l’occasion propice pour en raisonner avec Eumolpe, je lui représentai que les trompeurs se prennent souvent dans leurs propres pièges : — Toutes nos démarches, lui dis-je, doivent être réglées par la prudence. Socrate, le plus sage des mortels, au jugement des dieux et des hommes, se glorifiait souvent de n’avoir jamais