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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/308

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répond de sa docilité ; vous n’avez qu’à bien fermer les yeux, et à vous figurer qu’au lieu des entrailles d’un homme vous mangez un million de sesterces. Ajoutez à cela que nous trouverons quelque assaisonnement pour corriger le goût d’un pareil mets : car il n’y a pas de viandes qui, par elles-mêmes ; excitent notre appétit ; mais la manière de les préparer les déguise si bien, que notre estomac s’en arrange. Pour prouver la vérité de cette assertion, je puis vous citer l’exemple des Sagontins, qui, assiégés par Annibal, se nourrirent de chair humaine ; et cependant ils n’avaient pas de succession à espérer. Les Pérusiens, réduits à une extrême disette[1], en firent autant, sans autre but, en mangeant leurs compatriotes, que de s’empêcher de mourir de faim. Lorsque Scipion prit Numance, on trouva dans cette ville des enfants à moitié dévorés sur le sein de leurs mères. Enfin, comme le dégoût qu’inspire la chair humaine provient uniquement de l’imagination, vous ferez tous vos efforts pour triompher de cette répugnance, afin de recueillir les legs immenses dont je dispose en votre faveur. — Eumolpe débitait ces révoltantes nouveautés avec si peu d’ordre et de suite, que nos héritiers en herbe commencèrent à douter de la réalité de ses promesses. Dès ce moment, ils épièrent de plus près nos paroles et nos actions ; cet examen accrut leurs soupçons, et bientôt ils furent convaincus que nous étions des vagabonds et des escrocs. Alors ceux qui s’étaient mis le plus en dépense pour nous faire accueil résolurent de se saisir de nous et de nous punir selon