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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/375

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qu’il avait le loisir de faire quelques épigrammes. Lycas, le pieux Lycas appelle inutilement les dieux à son secours ; à la honte de leur providence, il paye ici pour tous les coupables. Si l’on voit quelquefois Encolpe dans les douleurs, elles ne lui viennent point de son repentir ; il a tué son hôte, il est fugitif ; il n’y a sorte de crimes qu’il n’ait commis : grâce à la bonté de sa conscience, il vit sans remords. Ses larmes, ses regrets ont une cause bien différente : il se plaint de l’infidélité de Giton qui l’abandonne ; son désespoir est de se l’imaginer dans les bras d’un autre qui se moque de la solitude où il est réduit. Tous les crimes lui ont succédé heureusement, à la réserve d’un seul qui lui a véritablement attiré une punition ; mais c’est un péché pour qui les lois divines et humaines n’ont point ordonné de châtiment. Il avait mal répondu aux caresses de Circé ; et, à la vérité, son impuissance est la seule faute qui lui ait fait de la peine. Il avoue qu’il a failli plusieurs fois, mais qu’il n’a jamais mérité la mort qu’en cette occasion. Bientôt il retombe dans le même crime, et reçoit le supplice mérité avec une parfaite résignation. Alors il rentre en lui-même et reconnaît la colère des dieux ; il se lamente du pitoyable état où il se trouve ; et, pour recouvrer sa vigueur, il se met entre les mains d’une prêtresse de Priape, avec de très-bons sentiments de religion, mais, en effet, les seuls qu’il paraisse avoir dans toutes ses aventures. Je pourrais dire encore que le bon Eumolpe est couru des petits enfants quand il récite ses vers ; mais quand il corrompt son disciple, la mère le regarde comme un philosophe ; et, couché dans une même chambre, le père ne s’éveille pas. Tant le ridicule est sévèrement puni chez Pétrone, et le vice heureusement protégé ! Jugez par là si la vertu n’a pas besoin d’un autre orateur pour être persuadée. Je pense qu’il était du sentiment de Beautru : qu’honnête homme et bonnes mœurs ne s’accordent pas ensemble. » (Dissertation sur Pétrone.)

CHAPITRE LXXXVIII. 1 Et Chrysippus… ter helleboro animum detersit. — Chrysippe, fils d’Apollonius de Tarse, fut un philosophe stoïcien qui excella surtout dans la dialectique. Diogène Laërce rapporte qu’il composa soixante-quinze volumes, et Pétrone dit qu’il prit trois fois de l’ellébore. Les anciens philosophes croyaient que cette herbe était salutaire à l’esprit, comme le tabac des modernes. Valère Maxime (liv. II, chap. 8) rapporte que Carnéade en usait beaucoup. Le meilleur croissait dans l’île d’Anticyre. De là vient qu’anciennement on disait, par raillerie, d’un homme qui faisait quelque extravagance, naviget Anticyram. L’ellébore dont les anciens se servaient était l’ellébore blanc, ou veratrum ; en français, viraire ; c’est un purgatif très-violent.