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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/381

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de la déesse, remplit subtilement une fiole de cristal, faite exprès, d’une portion choisie de ses rayons, et, l’ayant bouchée hermétiquement, il revint aussitôt à son ouvrage favori. Alors, ouvrant le flacon sous le nez de la statue, le divin phlogistique pénétra dans la tête, s’insinua dans les libres du cerveau ; et le premier signe de vie que donna la créature nouvelle fut d’éternuer. Prométhée, ravi de l’heureux succès de son invention, se mit en prière, et fit des vœux pour la conservation de son ouvrage qui les entendit, s’en souvint, et les répéta toujours, dans la même occasion, à ses enfants, et ceux-ci les ont perpétués jusqu’à ce jour, de génération en génération, dans toutes leurs colonies.

Cette ingénieuse fiction, qui nous laisse entrevoir, dans la plus haute antiquité, la connaissance des procédés de l’électricité ; qui montrait à l’homme le premier anneau de la chaîne qui le lie au système général de la création ; qui lui révélait enfin le plus haut principe de la physique et de la religion naturelle, quoiqu’elle manque de solidité sous le point de vue historique, nous a paru peindre d’une manière trop intéressante la nature et l’homme à sa naissance, pour nous refuser au plaisir de la transmettre à nos lecteurs.

3° Enfin, l’hypothèse suivante n’est peut-être pas la moins spécieuse. Parmi les enfants qui viennent de naître, dit-on, les uns ne respirent que quelques instants après qu’ils sont au monde, et d’autres restent tellement plongés dans un état de mort apparente, qu’il faut, avec des liqueurs irritantes, leur souffler la chaleur et la vie. Alors le premier effet de l’air, le premier signe d’existence qu’ils donnent, est l’éternument. Cette espèce de convulsion générale semble les réveiller en sursaut, et la commence le jeu de la respiration, l’harmonie parfaite, et le libre exercice de chaque organe. Au comble de ses vœux, ou dans l’excès même de ses craintes, un père n’a qu’un souhait qu’il répétera, un souhait qui retentira dans son cœur à chaque secousse qui fait tressaillir son enfant : c’est que son fils vive, que le dieu des cieux le conserve !

Quoi qu’il en soit de ces diverses hypothèses, ce respect religieux pour les éternuments fut pour les Romains une source inépuisable d’erreurs et de préjugés ridicules. La superstition distingua les bons éternuments d’avec les mauvais. Quand la lune était dans certains signes du zodiaque, l’éternument était un bon augure, et dans les autres il était mauvais. Le matin, depuis minuit jusqu’à midi, c’était un fâcheux pronostic ; favorable, au contraire, depuis midi jusqu’à minuit. On le jugeait pernicieux en sortant du lit ou de table ; il fallait s’y remettre et tâcher ou de dormir, ou de boire, ou de manger quelque chose pour changer ou rompre les lois du mauvais quart d’heure. Ils