Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/387

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prêts à être affranchis, se rasaient la tête, et en consacraient la dépouille à quelque dieu, comme en échange du bienfait de la liberté qu’ils supposaient lui devoir. Les matelots en faisaient autant, non-seulement dans la circonstance dont parle Pétrone, mais encore lorsque, échappés du naufrage, ils étaient de retour dans leur patrie : alors ils faisaient ce sacrifice à la mer, et, de plus, suspendaient leurs vêtements humides dans le temple de Neptune.

Pour en revenir au songe de Tryphène, et aux expiations auxquelles il donna lieu, l’auteur ne nous dit pas quelles en furent les cérémonies, parce que c’était une chose fort commune. C’était un acte de religion généralement établi chez les païens, pour purifier les coupables et les lieux que l’on croyait souillés, ou pour apaiser la colère des dieux que l’on supposait irrités.

La cérémonie de l’expiation ne s’employa pas seulement pour les crimes ; elle fut pratiquée dans mille autres occasions différentes. Ainsi ces mots si fréquents chez les anciens, expiare, lustrare, purgare, februare, signifiaient faire des actes de religion pour effacer quelque faute, ou détourner de sinistres présages.

L’usage des expiations, innocent par lui-même, devint, entre les mains de la superstition, une source intarissable de pratiques ridicules, dont l’avarice et l’hypocrisie des prêtres multiplièrent tellement les abus, qu’elles allumèrent la bile de Juvénal, qui s’exprime ainsi à ce sujet dans sa VIe satire : « Vois-tu fondre, chez ta pieuse épouse, la foule des prêtres de Cybèle et de Bellone ? Vois-tu ce personnage gigantesque, et vénérable aux yeux de ses vils subalternes ; cet homme qui, s’étant autrefois privé des sources de la vie, n’est plus homme qu’à demi, mais à qui la cohorte enrouée et les tambours plébéiens cédent unanimement l’honneur du pas et la tiare phrygienne ? L’entends-tu parler avec emphase ? Redoutez, lui dit-il, les approches de septembre et les vents du midi, si vous n’expiez pas vos fautes par une offrande de cent œufs ; si vous ne me donnez vos robes couleur de feuille-morte, afin de détourner sur elles les malignes influences qui vous menacent dans le cours de l’année.

« Au plus fort de l’hiver, elle ira, dès la pointe du jour, briser la glace du Tibre ; elle y plongera par trois fois sa tête intimidée : de là, tremblante et toute nue, elle se traînera sur ses genoux ensanglantés autour du champ de Tarquin le Superbe. S’il lui dit : Parlez ; la blanche Io l’ordonne ! elle ira jusqu’aux confins de l’Égypte ; elle en rapportera des eaux chaudes puisées dans l’île de Meroé, pour les répandre dans le temple d’Isis, voisin de l’antique demeure du pâtre Romulus. Elle croit,