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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/392

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la porte dont il brise la serrure, et, pendant tout ce bruit, les gardes continuent à dormir sur les deux oreilles. — C’en est assez, je vous arrête encore. Pour faire connaître que vous avez aussi falsifié cette citation, lisons ce fragment. Il y est dit qu’Ascyltle vint pour délivrer ses amis, et que, voyant les gardes endormis, il ouvrit la porte avec un morceau de fer ; et cela est aisé à comprendre. (Pas si facile à comprendre. Il fallait que ces gardes fussent bien négligents, pour s’endormir près d’une porte qui n’était fermée qu’avec un verrou de bois, ligneum claustrum ; d’ailleurs il y a dans le texte même de Nodot : Serraque delapsa nos excitavit. Comment se fait-il que la chute de cette serrure réveille Encolpe et Giton sans interrompre le sommeil des gardes ? ). A cela que répond Nodot ? — L’auteur, dit-il, le marque précisément : Ob pervigilium altus custodes habebat somma. Considérez que Pétrone (ou plutôt Nodot) a tout prévu. Les gardes avaient veillé fort tard, et ils étaient alors dans le premier sommeil, que certaines gens ont si dur, qu’on peut les toucher et les pousser même fortement sans qu’ils s’éveillent, (Cela est vrai ; mais n’est-ce pas le cas de dire avec Boileau :

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable ? )

Nous ne poursuivrons pas ces citations qui fatigueraient le lecteur ; nous avons voulu seulement lui donner une idée de la polémique de Nodot contre un des plus redoutables adversaires de ses fragments. Burmann, dans sa préface, prouve peut-être encore plus clairement par les gallicismes sans nombre, et même les solécismes dont ces fragments sont remplis, qu’ils ne peuvent être de Pétrone. Nous aurons probablement l’occasion de revenir plus tard sur les Observations de Breugières, à propos des autres interpolations de Nodot que nous trouverons dans les chapitres suivants.

CHAPITRE CVII. 1 Me, utpote hominem non ignotum, elegerunt. — Eumolpe adresse à Lycas un discours selon toutes les règles de l’art oratoire. Il commence par un exorde insinuant et modeste, où il établit que lui, l’avocat des coupables, n’est pas un homme inconnu à Lycas, à la fois juge et partie dans cette cause ; ensuite, pour l’intéresser davantage en faveur de ses clients, il lui rappelle qu’ils ont été autrefois ses amis intimes, amicissimi. Puis arrivant, sans autre préparation, au fait principal, il adresse à Lycas cette question : Vous croyez peut-être que c’est le hasard qui a conduit ces jeunes gens sur votre bord ? Et il répond aussitôt à cette objection par une raison convaincante : c’est qu’il n’est pas un seul passager qui ne s’informe avant toutes choses du nom