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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/393

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de celui à qui il va confier son existence. Donc Encolpe et Giton savaient que le vaisseau sur lequel ils s’embarquaient appartenait à Lycas, et cependant ils n’ont pas hésité à y monter ; donc ils n’avaient d’autre but, en faisant cette démarche spontanée, que de le fléchir et de rentrer en grâce avec lui. Mais Eumolpe sent que cet argument n’est pas inattaquable, comme nous le verrons bientôt ; et, pour l'étayer, il entre dans plusieurs considérations. D’abord, c’est que Lycas n’a pas le droit d’empêcher des hommes libres de naviguer où bon leur semble. Secondement, c’est que, lors même que ce seraient des esclaves, le maître le plus cruel pardonne à son esclave fugitif que le repentir ramène à ses pieds. Enfin, comment ne pas pardonner à un ennemi qui se livre à notre merci ? Alors Eumolpe, résumant tous ses moyens de défense, interpelle son juge : Vous voyez, suppliants devant vous, des jeunes gens aimables, bien nés, etc. Avant de terminer, Eumolpe, prévoyant que Lycas lui objectera surtout le déguisement d’Encolpe et de Giton, et le crime dont ils se sont rendus coupables en se faisant tondre sur son bord, se hâte d’aller au-devant de ce reproche, en disant que c’est pour se punir de l’offense qu’ils ont faite à Lycas et à Tryphène, que ces jeunes gens, nés libres, ont fait graver sur leur front ces honteux stigmates de la servitude.

Lycas, comme on le pense bien, n’est pas dupe d’une pareille ruse, et réduit, comme il le dit, les arguments d’Eumolpe à leur juste valeur ; mais nous ne le suivrons pas dans sa réponse nerveuse, brusque et concise, comme il convenait à un homme de son caractère. Cependant Eumolpe ne se tient pas pour battu, et répond, tant bien que mal, à Lycas. Mais toute son éloquence ne peut parvenir à désarmer la colère de ce marin qui persiste dans son premier arrêt, et exige le supplice des coupables.

Ou je me trompe, ou tout ce plaidoyer, pour et contre, est traité avec beaucoup d’esprit, et offre une scène pleine de naturel et de vérité.

2 Quae salamandra supercilia excussit tua ? — La salamandre est un animal de la figure du lézard, excepté qu’elle a la tête plus large et la queue plus longue. Les anciens prétendaient que le sang de cet animal, et même sa salive, avaient la propriété de faire tomber les cheveux ou le poil aux endroits qui en étaient frottés, comme si le feu y avait passé. Dioscoride (liv. I, ch. 54) dit qu’il suffit pour cela de se frotter avec le sang de la salamandre ; d’autres ajoutent qu’il faut la faire mourir dans l’huile et se servir de cette huile. On sait d’ailleurs que la salamandre passait, pour incombustible. Pline l’Ancien prétend (liv. XXIX, ch. 23) qu’il suffit de frotter quelque partie du corps que ce soit, même