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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/397

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humeur, ils pourraient nous accabler sous le poids des chiffres. Abandonnons-leur donc les temps fabuleux de la perruque, et descendons au siècle de Cyrus.

« Au rapport de Posidippe, cité par Élien (liv. I, en. 26 de ses Histoires diverses), la parure ordinaire de la belle Aglaïs, fille de Mégacle, contemporain de Cyrus, était une perruque ornée d’une aigrette. Qui ne sait qu’aux funérailles d’Adonis, les Phéniciennes devaient à la déesse Ergetto, la Vénus de Tyr, le sacrifice de leur pudeur, ou celui de leurs cheveux ? Assurément, les Phéniciennes ont porté perruque. Cette assertion, fondée sur la présomption de leur sagesse, devient une démonstration par le témoignage de Saint-Foix. Voici comme il raconte la chose dans ses Essais sur Paris. Après avoir parlé de l’embarras où l’alternative plaçait sans cesse la pudeur des beautés de Tyr et de Sidon, il ajoute : « L’argent que quelques-unes recevaient pour prix de leurs complaisances appartenait à la déesse ; c’était le casuel des prêtres. Un particulier, peut-être un mari, un jaloux, imagina les perruques, et le proposa aux femmes qui ne voulaient ni se prostituer, ni perdre leurs cheveux. L’invention parut commode, mais elle excita la réclamation des prêtres ; ils décidèrent que les perruques pouvaient nuire à leurs droits, et les perruques furent défendues. » Quelle rude épreuve pour la chasteté des Phéniciennes !

« Mausole, roi de Carie, aimait beaucoup l’argent, et ses peuples aimaient presque autant leurs cheveux. Que fit Mausole ? Aristote nous l’apprend {Économ.,liv. II). En vertu d’un ordre secret du roi, les magasins se remplissent tout à coup de perruques achetées au rabais chez les nations voisines. A peine furent-elles toutes accaparées, qu’un édit solennel vint condamner les têtes lyciennes, sans distinction d’âge ni de sexe, à se faire tondre dans les vingt-quatre heures. La désolation fut extrême ; mais il fallut obéir : un refus eut attiré plus que la perte des cheveux. Alors les magasins s’ouvrent, les perruques sont mises à l’enchère, la concurrence en élève le prix à un taux excessif ; et voilà le trésor du prince enrichi de plusieurs millions. Ce roi-là savait spéculer sur le luxe ; et le monopole des perruques ne l’a pas rendu moins célèbre que le monument superbe où la chaste Artémise le fit loger quand il fut mort. « Si l’on en croit Suidas et Tite-Live (liv. XXI), Annibal, ce guerrier non moins fameux par ses ruses que par son courage, afin de mieux échapper aux embûches des Gaulois, changeait souvent d’habits et de perruques. Appien (Histoire de la guerre d’Espagne, ch. IX) dit que, pour jeter l’épouvante dans les rangs ennemis, les Ibères, sous la conduite de Viriatus, arborèrent des perruques à longues queues. Les lois assy-