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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/400

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gula, sous la même perruque, courait lutiner dans l’ombre les prostituées de Rome ; et Messaline, abaissant, la nuit, devant la coiffure blonde des amours, la majesté du diadème, allait incognito provoquer dans les camps les robustes caresses des soldats romains (voyez la satire VI de Juvénal). Mais la perruque la plus fameuse de l’antiquité fut, sans contredit, la perruque de l’empereur Commode. La description élégante que Lampride en a faite dans la vie de cet empereur (Historiae Augustae scriptores), lui assure l’immortalité : c’était le corymbion, mais le corymbion dans tout son éclat. Il faut voir dans l’historien ce prince, apparemment seul avec ses remords et ses craintes, n’osant confier son cou royal au rasoir d’un barbier, ni son front même à l’aiguille des coiffeurs, se brûlant lui-même les cheveux et la barbe, ajustant devant son miroir sa vaste perruque, l’abreuvant de parfums et d’essences, et répandant sur elle des flots de poudre d’or.

« Les chevelures allemandes et gauloises étaient les plus recherchées des perruquiers romains ; leur couleur approchait de celle de l’or. En vain le déclamateur Sénèque (épître cxv, et de la Brièveté de la vie) gourmanda les perruques ; on ne l’écouta même pas. L’éloquence chrétienne de Tertullien, dans son traité de la Toilette des dames, chapitre VII, ne fut pas plus heureuse. Clément d’Alexandrie, dans ses Stromates ou Tapisseries ; Grégoire de Nazianze, dans l’Éloge de Gorgonie, sa sœur ; saint Ambroise, dans son livre de la Virginité ; saint Jérôme, dans ses brûlantes Épîtres, ne produisirent pas plus d’effet. Ces bons Pères eurent beau nommer les perruques fourreaux de têtes, dépouille des morts, édifices de prostitution, tours de Satan ; ils eurent beau vouer aux flammes de l’enfer les chevelures postiches, et ceux ou celles qui les portaient, la perruque n’en courut pas moins conquérir l’Europe, l’Asie et l’Afrique ; et l’univers fut peuplé de têtes à perruque, à la barbe des saints et des philosophes.

« C’était surtout les jours de fêtes que brillaient les perruques. Aux calendes de janvier, c’est-à-dire aux premiers jours de l’an, l’étrenne la mieux reçue était une perruque. Si les Matronales étaient la fête des dames, elles étaient donc aussi la fête des perruques (Ovide,Fastes, liv. iii). Pendant la célébration des Bacchanales, ou, si vous voulez, à l’époque du carnaval romain, la perruque jouait encore un grand rôle ; on y voyait les hommes se mêler aux Bacchantes, la main armée de torches, et la tête affublée de perruques de femmes (S. Astère, Hom. in fest. kalend.). Lisez l’Ane d’or d’Apulée, livre XI : vous y verrez, aux processions de la déesse Isis, un dévot africain paraître en escarpins dorés, en robe de soie traînante, chargé de bijoux et de pierreries, agi-