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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/401

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tant avec mollesse les ondes de sa perruque, et contrefaisant la démarche d’une petite-maîtresse. Il paraît que la coiffe des perruques romaines était une calotte de peau de bouc (Martial, liv. XII, épigr. 45). Elle s’ajustait avec tant de dextérité, qu’on distinguait à peine si la coiffure était postiche. Mais l’art des perruquiers ne tenait pas toujours ferme contre l’opiniâtreté des vents ; et Festus Avienus (carmen X) nous a conservé l’anecdote d’un cavalier dont une bise incivile mit tout à coup le chef à nu, aux éclats de rire des malins spectateurs. Tel était l’engouement, que le front chauve qui ne pouvait atteindre au prix courant des perruques voulait du moins en arborer l’image. Martial (liv. VI, épigr. 57), Farnabe, et Turnèbe (Adversar., cap. XXVII) nous l’apprennent : on se peignait la tête avec des pommades de diverses couleurs ; on donnait à ces croûtes parfumées la figure d’une perruque, et les sillons onduleux dont on savait les orner jouaient, dit-on, au parlait les tresses de cheveux naturels. Après cela, continue Martial, pour raser, en un moment et sans risque, la plus belle tête du monde, il suffisait d’une éponge.

« Comment les anciens n’auraient-ils pas aimé les perruques ? les cheveux étaient ce qu’ils avaient de plus cher ; et cependant il fallait sans cesse les sacrifier pour en semer le tombeau des morts. Teucer, dans Sophocle (Ajax furieux, acte IV, sc. 6), dit au jeune Ajax, en lui montrant la tombe de son père : « Venez, enfant ; approchez, en posture de suppliant, de celui qui vous donna le jour ; demeurez-y les yeux tournés vers votre père, ayant en main l’humble offrande de mes cheveux, de ceux de votre mère, et des vôtres. » Dans le même tragique, Electre (acte I, sc. 5), voyant Chrysosthémis, sa sœur, apporter au tombeau d’Agamemnon les présents de Clytemnestre, s’écrie : «Pensez-vous que ces hypocrites offrandes puissent expier le meurtre de mon père ? Non, non, il n’en sera rien. Laissez là ces dons stériles ; faites mieux : coupez vous-même ces boucles de cheveux, et joignez-les aux miens. Hélas ! il m’en reste peu, je les ai déjà sacrifiés ; mais enfin j’en offre le reste, et leur dérangement montre assez ma douleur. » On devait encore se couper les cheveux dans le deuil. Aussi, dans l’Oreste d’Euripide (acte II, sc. I), le chœur chante-t-il : « Voilà Tyndare, ce Spartiate chargé d’années, qui s’avance d’un pas précipité, couvert de noirs vêtements, et la tête rasée dans le deuil où sa fille le plonge. » Dans la même pièce (acte I, sc. 3), Electre, toujours plaintive, accuse Hélène de manquer aux bienséances, parce qu’elle n’a coupé que l’extrémité de ses cheveux après la mort d’une de ses sœurs : « Voyez, dit-elle, avec quel artifice cette femme vient de couper l’ex-