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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/407

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Ce n’était pas un fait tellement merveilleux
Qu’il en dût proposer l’exemple à nos neveux.
Cette veuve n’eut tort qu’au bruit qu’on lui vit faire,
Qu’au dessein de mourir, mal conçu, mal formé ;
____Car de mettre au patibulaire
____Le corps d’un mari tant aimé,
Ce n’était pas peut-être une si grande affaire :
Cela lui sauvait l’autre, et, tout considéré,
Mieux vaut goujat debout qu’empereur enterré.


Cette imitation du conte de Pétrone inspire à M. Durand les réflexions suivantes :

« Ce conte n’est que plaisant dans La Fontaine ; mais dans Pétrone il finit par un trait horrible et qui choque toutes les convenances. Son esprit, qui savait si bien sacrifier aux grâces, aurait dû lui fournir un dénoûment plus aimable. Suivant lui, c’est l’épouse consolée qui propose d’exhumer son mari et de l’accrocher au poteau dépouillé. Au moins le conteur français met cet avis odieux dans la bouche d’une esclave ; ce correctif même n’adoucit que faiblement, selon moi, l’horreur que cette circonstance inspire. »

N’en déplaise à M. Durand, je ne suis pas de son avis. Le dénoûment du conte de Pétrone est tel qu’il devait être. Il voulait prouver, comme il le fait dire en propres termes à Eumolpe, qu’il n’y a pas de femme, quelque prude qu’elle soit, qu’une passion nouvelle ne puisse porter aux plus grands excès ; et pour prouver ce qu’il avance, je vais, ajoute-t-il, vous raconter un fait arrivé de nos jours. C’était, comme on le voit, un fait récent, un fait connu, notoire ; Pétrone n’était donc pas le maître d’en changer le dénoûment. D’ailleurs Flavius, au rapport de Jean de Sarisbéry, dans son traité de Nug. cur., livre VIII, chapitre 11, assure que cette histoire est véritable, et que la veuve qui en est l’héroïne fut punie de son impiété, de son parricide et de son adultère, en présence du peuple ; ce sont ses propres termes : mulieremque impietatis suce, et sceleris parricidatis, et adulterii, in conspectu populi, luisse pœnas. Apulée a traité un sujet à peu près semblable au livre II de son Ane d’or, mais avec beaucoup moins d’enjouement et de grâce que Pétrone ; nous renvoyons, pour la comparaison de ces deux histoires, à l’excellente traduction d’Apulée donnée par M. Bétolaud. Il est facile de reconnaître, dans la Matrone d’Éphèse, l’origine d’un charmant épisode du conte de Zadig, par Voltaire, celui de la prude, qui, croyant son mari décédé, consent à lui couper le nez dans son tombeau, pour guérir son amant d’une douleur de côté.

2 Ne quis ad sepulturam corpora detraheret. — On refusait la sépulture