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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/41

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rel, et se contente des grâces de la naïveté ; quelquefois, il met la dernière main à son ouvrage, et il n’y a rien de si poli. Catulle et Martial traitent les mêmes choses grossièrement ; et si quelqu’un pouvait trouver le secret d’envelopper les ordures avec un langage pareil au sien, je réponds pour les dames qu’elles donneraient des louanges à sa discrétion. Mais ce que Pétrone a de plus particulier, c’est qu’à la réserve d’Horace, en quelques odes, il est peut-être le seul de l’antiquité qui ait su parler de galanterie. Virgile est touchant dans les passions ; les amours de Didon, les amours d’Orphée et d’Eurydice, ont du charme et de la tendresse ; toutefois il n’a rien de galant ; et la pauvre Didon, tant elle a l’âme pitoyable, devient amoureuse du pieux Énée, au récit de ses malheurs. Ovide est spirituel et facile, Tibulle délicat ; cependant il fallait que leurs maîtresses fussent plus savantes que mademoiselle de Scudéry ; car ils allèguent sans cesse les dieux, les fables, et des exemples tirés de l’antiquité la plus éloignée ; ils promettent toujours des sacrifices, et je pense que Chapelain a pris d’eux la manière de brûler les cœurs en holocauste. Lucien, tout ingénieux qu’il est, devient grossier, sitôt qu’il parle d’amour ; ses courtisanes ont plutôt le langage des lieux publics que les discours des ruelles. Autant que les autres nations nous le cèdent en galanterie, autant Pétrone l’emporte sur nous dans ce genre de mérite. Nous n’avons point de roman qui nous fournisse une histoire si agréable que la matrone d’Éphèse ; rien de si délicat que les poulets de Circé à Polyœnos. Toute leur aventure, soit dans l’entretien, soit dans les descriptions, a un caractère fort au-dessus de la politesse de notre siècle. Jugez cependant s’il eût traité délicatement une