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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/413

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nous devons l’invention à Catulus, qui, le premier, introduisit à Rome cette recherche de commodités plus dignes de Capoue que de la ville de Romulus ; d’autres s’exposent des journées entières au soleil ou à la pluie, pour juger les cochers et disserter sur les événements du Cirque, etc. »

CHAPITRE CXVIII. 1 Belli civilis ingens opus quisquis attigerit, etc. — Notre auteur fait ici une censure indirecte de la Pharsale de Lucain ; mais Voltaire, dont l’autorité en matière de goût vaut au moins celle de Pétrone, en porte un jugement tout différent et tout à l’avantage de Lucain. La proximité des temps, dit-il, la notoriété publique de la guerre civile, le siècle éclairé, politique et peu superstitieux où vivait Lucain, ainsi que les héros de son poëme, la solidité de son sujet, ôtaient à son génie toute liberté d’invention fabuleuse. La grandeur véritable des héros réels, qu’il fallait peindre d’après nature, était une nouvelle difficulté. Les Romains du temps de César étaient des personnages bien autrement importants que Sarpédon, Diomède, Mézence et Turnus. La guerre de Troie était un jeu d’enfants en comparaison des guerres civiles de Rome, où les plus grands capitaines et les plus puissants hommes qui aient jamais été se disputaient l’empire de la moitié du monde.

« Virgile et Homère avaient fort bien fait d’amener les divinités sur la scène. Lucain a fait tout aussi bien de s’en passer. Jupiter, Mars, Vénus étaient des embellissements nécessaires aux actions d’Énée et d’Agamemnon : on savait peu de chose de ces héros fabuleux ; ils étaient comme ces vainqueurs des jeux Olympiques que Pindare chantait, et dont il n’avait presque rien à dire. Il fallait qu’il se jetât sur les louanges de Castor, de Pollux et d’Hercule. Les faibles commencements de l’empire romain avaient besoin d’être relevés par l’intervention des dieux ; mais César, Pompée, Calon, Labiénus vivaient dans un autre siècle qu’Énée : les guerres civiles de Rome étaient trop sérieuses pour ces jeux d’imagination. Quel rôle César jouerait-il dans la plaine de Pharsale, si Iris venait lui apporter une armure, ou si Vénus descendait à son secours dans un nuage d’or ?

« Ceux qui prennent les commencements d’un art pour les principes de l’art même sont persuadés qu’un poëme ne saurait subsister sans divinités, parce que l’Iliade en est pleine ; mais ces divinités sont si peu essentielles au poème, que le plus bel endroit qui soit dans Lucain, et peut-être dans aucun poëte, est le discours de Caton, dans lequel ce stoïque ennemi des fables dédaigne d’aller voir le temple de Jupiter Ammon :