Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/414

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Laissons, laissons, dit-il, un secours si honteux
À ces âmes qu’agite un avenir douteux.
Pour être convaincu que la vie est à plaindre,
Que c’est un long combat dont l’issue est à craindre,
Qu’une mort glorieuse est préférable aux fers,
Je ne consulte point les dieux ni les enfers.
Alors que du néant nous passons jusqu’à l’être,
Le ciel met dans nos cœurs tout ce qu’il faut connaître :
Nous trouvons Dieu partout ; partout il parle à nous.
Nous savons ce qui fait ou détruit son courroux ;
Et chacun porte en soi ce conseil salutaire,
Si le charme des sens ne le force à se taire.
Pensez-vous qu’à ce temple un dieu soit limité ?
Qu’il ait dans ces déserts caché la vérité ?
Faut-il d’autre séjour à ce monarque auguste
Que les cieux, que la terre, et que le cœur du juste ?
C’est lui qui nous soutient ; c’est lui qui nous conduit ;
C’est sa main qui nous guide, et son feu qui nous luit ;
Tout ce que nous voyons est cet être suprême, etc.

(Trad. de Brébeuf).

« Ce n’est donc point pour n’avoir pas fait usage du ministère des dieux, mais pour avoir ignoré l’art de bien conduire les affaires des hommes, et de faire agir César, Pompée, Caton d’une manière conforme aux traits nobles et sublimes dont il s’est servi pour les peindre, que la Pharsale est si inférieure à l’Énéide et à l’Iliade. »

CHAPITRE CXIX. 1 Orbem jam totum victor Romanus habebat. — Cette façon de parler, qu’on pourrait regarder comme une hyperbole ridicule, était familière dans la bouche des Romains. Les commentateurs et d’autres savants en rapportent un grand nombre d’exemples, tirés non-seulement des poëtes, mais aussi des orateurs et des historiens. Cicéron, parlant de Pompée, dit : Ses trois triomphes attestent que le globe de la terre est soumis à notre empire. Pompée lui-même donna ce titre fastueux à l’un de ses triomphes : De Orbe terrarum.

Rien n’est plus fréquent, sur les anciens monuments, que cette manière de parler. De là ces épithètes de rector, restitutor, locupletator orbis terrarum, qui sont si souvent données aux empereurs sur leurs médailles ; de là ce globe qui représente la terre et qui décore presque toujours les monuments qu’on leur a consacrés. L’empereur Antonin le Pieux, tout modeste qu’il était, n’a pas rougi de s’appeler lui-même le Maître de l’univers. Justinien, longtemps après la destruction de l’empire d’Occident, n’a pas hésité de nommer Rome la capitale du monde. Il paraît que le plus ancien auteur qui se soit servi de cette expression est Polybe, qui néanmoins y met un correctif, en disant que les Romains étaient maîtres de toutes les parties du monde alors connues. Depuis, les Romains s’accoutumèrent facilement à s’entendre traiter de maîtres