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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/415

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du monde. Mais cette façon de parler, réduite à sa juste valeur, signifiait seulement l’empire romain, orbis romanus.

2 Gravidis freta pressa carinis Jam peragebantur. — Le président Bouhier, dont nous emprunterons plus d’une fois les savantes et judicieuses remarques sur le poëme de la Guerre civile, nous semble s’être grossièrement trompé dans l’interprétation qu’il donne de ce passage. Il lit Carenis au lieu de carinis, et en fait un peuple au lieu d’une flotte : sa note est trop curieuse pour ne pas la rapporter en entier ; elle prouvera combien la manie des interprétations peut égarer un homme érudit. « Voila, sans doute, dit-il, quelque chose de bien surprenant, qu’au temps de César la mer fût déjà couverte de vaisseaux richement chargés. Je ne puis croire que Pétrone ait dit une telle sottise ; elle ne serait pas moins choquante, quand il aurait écritgraiisau lui de gravidis, comme le voulait Philippe Rubens (Elector., II, 10). Je suis donc persuadé que le poëte a eu en vue quelque expédition maritime que les Romains avaient faite peu avant la guerre civile dans des pays jusqu’alors inconnus. Cela m’a fait rejeter une idée, qui m’était d’abord venue, que par Carinis le poëte avait entendu des peuples d’Allemagne, qui portaient ce nom, et que Cluvier a placés vers la Baltique ; car ils n’ont été connus que longtemps après. Je crois plutôt que Pétrone a voulu désigner ici la descente que César fit dans la Grande-Bretagne, et dont Florus a parlé, à peu près dans le goût de notre poëte, en cette sorte : Omnibus terra marique captis ; respexit (Cæsar) Oceanum et quasi huic romanus orbis non sufficeret, alterum cogitavit. Lucain en a fait mention à peu près de la même manière, livre I, vers 369 :

 
Haec manus, ut victum post terga relinqueret orbem,
Oceani tumidas remis compescuit undas.


Ainsi je soupçonne que Pétrone avait écrit : Gravidis freta pressa Carenis. C’était le nom d’un peuple qui habitait à l’extrémité de l’Écosse, d’après Ptolémée, dans quelques manuscrits duquel on trouve Karinoi au lieu de Karènoi, suivant Ortelius, et les diverses leçons que Saumaise avait tirées de la bibliothèque Palatine, et que j’ai entre les mains ; auquel cas, il n’y aurait rien à changer dans ce vers. Ce sont apparemment les mêmes peuples dont Pausanias a vanté la taille, et qu’il appelle Kareis. Sur quoi je suis fort de l’avis de Kuhnius, qui en jugeait ainsi. Camden (Britannis, p. 616, édit. de 1617) a cru que leur vrai nom était Catini, nom dérivé de la ville de Cathnes, qui est située au même endroit. Quand il faudrait substituer ce nom dans notre poëme, le changement serait léger ; mais je ne crois pas qu’il y ait grand fond à faire sur cette