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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/418

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retournons à la ville ; je me sens le besoin de voir couler du sang… Et ce mot est celui d’un efféminé ! »

6 Heu ! pudet effari, perituraque prodere fata ! — Ce fut dans une ville appelée Spada que l’on fit les premiers eunuques, si l’on en croit Étienne de Byzance. Dans ce cas, un étymologiste trouverait sans effort dans spada l’origine du mot latin spado, chapon, eunuque. Mais cette anecdote a bien l’air d’un conte. Quoi qu’il en soit, on ne sait auquel des deux sexes attribuer cette cruelle invention. Plusieurs anciens l’ont imputée à Sémiramis. Mais le reproche n’en doit-il pas plutôt tomber sur les hommes ? Ce sont eux, en effet, qui trouvent le plus d’avantages dans cet horrible attentat contre l’ordre de la nature. Il est évident que c’est le sentiment de Pétrone, et c’est aussi l’opinion de Quintilien. La manière la moins dangereuse de faire cette opération était de se servir d’un couteau de terre cuite qu’on fabriquait à Samos, et qu’on appelait, pour cette raison, testa samia, ou samia seulement. La paraphrase par laquelle Nodot rend ces huit vers de Pétrone sur les eunuques est vraiment curieuse :

Ah ! je n’ose poursuivre, et rappeler des choses
Qui de tous nos malheurs furent les tristes causes.
Ils ôtèrent, suivant l’usage des Persans,
Aux enfants le pouvoir d’avoir d’autres enfants.
L’affreux raffinement d’une infâme mollesse
Défend contre les ans leur honteuse jeunesse,
Et prolonge le cours de leurs faibles appas.
La nature se cherche et ne se trouve pas.
On voit naître pour eux une flamme exécrable
Qui ne s’allume point pour un sexe semblable.
Ces jeunes corrompus laissent au gré des vents,
D’un air efféminé, leurs cheveux ondoyants.
Leurs habits sont lascifs, leur démarche est lascive,
Et les mines qu’ils font demandent qu’on les suive.


M. de Guerle a emprunté à Nodot ce vers :

La nature s’y cherche et ne s’y trouve pas.


C’est la traduction littérale du latin quærit se natura, nec invenit. Aussi le président Bouhier, Boispréaux et Durand l’ont-ils traduit de la même manière. Il n’appartenait qu’à Marolles de ne pas trouver ce qui était sous sa main ; et voici comme le bon abbé de Villeloin a rendu ce passage :

À la mode persique, on taille la jeunesse :
On l’énerve à dessein d’augmenter sa mollesse.
On veut que sa beauté n’échappe pas si tôt.
La nature se cherche et se tient en dépôt.