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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/423

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nes, que les anciens attribuaient à la Fortune sur les dieux ainsi que sur les hommes, se trouve confirmée par une belle statue antique de cette déesse, dont Spanheim a donné le dessin et la description dans la Preuve de sa remarque 789 sur les Césars de Julien ; la Fortune y est représentée avec les attributs de la plupart des principaux dieux, et avec cette inscription :

FORTVN. OMNIVM. GENT. ET. DEOR.

4 Fors, cui nulla placet nimium secura potestas. Scaliger, dans ses Catalectes, a supprimé ce vers, à cause de la répétition du mot potestas, qui se trouve déjà à la fin du vers précédent ; mais les anciens n’étaient pas si scrupuleux que nous à cet égard. Il y en a déjà un exemple dans ce poëme, aux vers 50 et 51, où le mot prœda est répété deux fois. Dans les six premiers vers d’une ode d’Horace assez courte (la 28e du liv. III), il y en a trois qui finissent par les mots dies ou meridies. Dans la satire 2 du livre I, le même Horace emploie deux fois en trois vers le mot positus, et une fois le verbe appoint ; et Ovide, dans l’élégie 3 du livre II des Politiques, répète jusqu’à trois fois en quatre vers le verbe petere. Il ne serait pas difficile de citer une foule d’autres exemples de ces répétitions. Barthius a donc eu raison, lorsqu’il a soutenu que ce vers, qui se trouve dans presque tous les manuscrits, devait être conservé.

5 Nec posse ulterius perituram extollere molem ? Il y a lieu de s’étonner qu’aucun commentateur ne se soit arrêté à ce passage, qui est cependant assez difficile. En effet, le but de Pluton n’est pas d’engager la Fortune à élever plus haut la puissance des Romains : il lui reproche au contraire de les avoir jusque-là trop favorisés ; il vient même de lui demander ironiquement si elle ne se sent pas abattue sous le poids de leur grandeur. Bien loin qu’il ait l’intention de reculer la chute de Rome, il exhorte au contraire la Fortune, dans les termes les plus pressants, à la hâter : Quare age, Fors, etc. Il ne suffirait même pas, pour rétablir ce passage, de substituer tollere à extollere ; car l’adverbe ulterius suppose une continuation de la chose commencée, et donne, par conséquent, à Pluton une pensée opposée à la sienne. Brotier propose de changer ulterius en alterius, en sous-entendant ponderis, mot qui se trouve dans le vers précédent. Cela, selon lui, ferait un très-bon sens : Ne sauriez-vous, dirait Pluton, lui opposer une autre puissance, que vous n’élèverez que pour la faire tomber à son tour ? Cela désignerait à merveille l’élévation prochaine de César et sa chute future.