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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/60

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— Tant d’emphase serait supportable, si elle ouvrait à leurs élèves la route de l’éloquence ; mais cette enflure de style, ce jargon sentencieux, à quoi servent-ils ? Les jeunes gens, lorsqu’ils débutent au barreau, se croient transportés dans un nouveau monde. Ce qui fait de nos écoliers autant de maîtres sots, c’est que tout ce qu’ils voient et entendent dans les écoles ne leur offre aucune image de la société. Sans cesse on y rebat leurs oreilles de pirates en embuscade sur le rivage et préparant des chaînes à leurs captifs ; de tyrans dont les barbares arrêts condamnent des fils à décapiter leurs propres pères ; d’oracles dévouant à la mort trois jeunes vierges, et quelquefois plus, pour le salut des villes dépeuplées par la peste. C’est un déluge de périodes mielleuses agréablement arrondies : actions et discours, tout est saupoudré de sésame et de pavot.


CHAPITRE II.

Nourri de pareilles fadaises, comment leur goût pourrait-il se former ? un cuistre sent toujours sa cuisine[1]. Ne vous en déplaise, Ô rhéteurs, c’est de vous que date la chute de l’éloquence. En réduisant le discours à une harmonie puérile, à de vains jeux de mots, vous en avez fait un corps sans âme, un squelette. On n’exerçait pas encore la jeunesse à ces déclamations, quand le génie des Sophocle et des Euripide créa pour la scène un nouveau langage. Un pédant, croupi dans la poussière des classes, n’étouffait point encore le talent dans son