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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/61

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germe, quand la muse de Pindare et de ses neuf rivaux osa faire entendre des chants dignes d’Homère[2]. Et, sans citer les poëtes, je ne vois point que Platon ni Démosthène se soient exercés dans ce genre de composition. Semblable à une vierge pudique, la véritable éloquence ne connaît point le fard. Simple et modeste, elle s’élève naturellement, et n’est belle que de sa propre beauté. C’est depuis peu que ce débordement d’expressions boursouflées a reflué de l’Asie dans Athènes. Astre malin, son influence meurtrière a comprimé chez la jeunesse les élans du génie, et dès lors les sources de la véritable éloquence se sont taries. À dater de cette époque, quel historien approcha de la perfection de Thucydide, de la renommée d’Hypéride ? Citez-moi un seul vers où le bon goût étincelle : tous ces avortons littéraires ressemblent à ces insectes qu’un seul jour voit naître et mourir. La peinture a eu le même sort, depuis que la présomptueuse Égypte abrégea les procédés et les règles de cet art sublime. — Je tenais un jour à peu près ce langage, quand Agamemnon s’approcha de nous, et, d’un œil curieux, chercha à savoir quel était l’orateur que la foule écoutait avec tant d’attention.


CHAPITRE III.

Impatient de m’entendre pérorer si longtemps sous le portique, tandis qu’il venait de s’enrouer sans succès dans sa classe, Agamemnon m’adressa ainsi la parole : — Jeune