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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/62

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homme, vos expressions ne sont pas dans le goût du jour. Vous avez du bon sens, qualité rare à votre âge ; je veux vous dévoiler les secrets de mon art. Le vice de nos leçons n’est point la faute des professeurs. Devant des têtes sans cervelle, il faut bien qu’on déraisonne. Comme l’a dit Cicéron, si l’enseignement n’est point agréable à l’élève, « le maître reste bientôt sans auditeurs. » Ainsi l’adroit parasite, qui veut être admis à la table du riche, prépare d’avance un choix de contes agréables pour les convives : il ne peut parvenir à son but sans tendre un piège aux oreilles de ses auditeurs. Autrement, il en est du maître d’éloquence comme du pêcheur qui, faute d’attacher à ses hameçons l’appât le plus propre à attirer le poisson, se morfond sur un rocher, sans espoir de butin.


CHAPITRE IV.

Ainsi donc le blâme doit retomber sur les parents seuls, eux qui redoutent pour leurs enfants une éducation mâle et sévère. Ils commencent par sacrifier, comme le reste, leur espérance même à l’ambition ; ensuite, pour arriver plus promptement au but de leurs désirs, ils lancent dans le barreau ces apprentis orateurs ; et l’éloquence dont l’homme mûr peut à peine, de leur propre aveu, atteindre la hauteur, ils la rapetissent à la taille d’un marmot. Avec plus de patience, les études seraient mieux graduées ; on verrait une jeunesse studieuse épurer insensiblement son goût par la méditation des