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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/70

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laçai des plus étroits embrassements, et mon bonheur, égal à mes désirs, fut véritablement digne d’envie. Nous préludions à de nouveaux plaisirs, quand, arrivant à pas de loup, Ascylte enfonce la porte avec fracas, et nous surprend, Giton et moi, au milieu de nos plus vives caresses. Aussitôt, remplissant notre étroite demeure de ses éclats de rire et de ses applaudissements, le perfide lève gravement le manteau qui nous couvrait : — Ah ! ah ! dit-il, que faisiez-vous là, homme de bien[1] ? Quoi ! logés à deux sous la même couverture ! — Non content de ces sarcasmes, le coquin détache sa ceinture de cuir, et le voilà qui m’étrille, non de main morte, en ajoutant insolemment : — Cela t’apprendra une autre fois à ne pas rompre avec Ascylte ! — Tant d’audace m’atterra. Il fallut bien digérer en silence les épigrammes et les coups. Je pris donc la chose en plaisanterie : c’était le plus prudent ; sans cela il eût fallu en venir à un combat sérieux avec mon rival. Ma fausse gaieté l’apaisa. — Encolpe, me dit-il en souriant, tu t’endors dans la mollesse, et tu ne songes pas que l’argent nous manque ! Ce qui nous reste est peu de chose. La ville n’offre aucune ressource dans les beaux jours ; la campagne nous sera, j’espère, plus propice ; allons voir nos amis. — Quelque dur qu’il me fût d’avaler ainsi la pilule, je fis de nécessité vertu. Giton se chargea de notre mince bagage ; nous sortîmes de la ville, et nous nous dirigeâmes vers le château de Lycurgue, chevalier romain. Ascylte avait eu jadis des bontés pour lui ; il nous reçut d’une manière affable ; nous trouvâmes bonne compagnie, et nous y passâmes le temps