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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/81

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prix mieux que personne. Qu’on juge cependant de mon dépit secret, à l’aspect de ces rustres, possesseurs de mon trésor dont ils ignoraient la valeur ! Ma lassitude allait toujours croissant, et je repris lentement le chemin de la ville. Il était tard, quand j’y arrivai. Entré dans la première auberge, je trouve Ascylte, plus mort que vif, étendu sur un mauvais grabat ; je tombe moi-même sur un autre lit, sans pouvoir proférer un seul mot. Ascylte cherche en vain sur mes épaules le précieux fardeau dont je m’étais chargé ; il se trouble : — Qu’as-tu fait de notre robe ? — s’écrie-t-il avec précipitation. La voix me manqua, et un regard douloureux fut d’abord toute ma réponse. Bientôt pourtant, un peu réconforté, je lui fis, comme je pus, le récit de mon triste accident. Il le prit pour un pur badinage. En vain je jure par tous les dieux, en vain un torrent de larmes vient appuyer mes serments ; il s’obstine à n’en rien croire, s’imaginant que je voulais lui escroquer sa part du trésor. Présent à cette scène, Giton pleurait, et sa tristesse augmentait la mienne. Pour surcroît de malheur, je pensais à la justice qui nous talonnait. Je parlai de mes craintes ; Ascylte s’en moqua, parce qu’il s’était heureusement tiré d’affaire : — D’ailleurs, disait-il, inconnus dans cette ville, qui viendrait nous y déterrer ? nous n’avons été vus de personne. — Néanmoins, pour avoir un prétexte de garder la chambre, nous jugeâmes prudent de feindre une maladie ; mais, les fonds venant à manquer, il fallut déloger plus tôt que nous ne l’avions résolu, et vendre quelques nippes pour subsister.