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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/83

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quit qu’il se déterminait à la mettre en vente, comme une guenille de mendiant. Voyant que notre trésor était intact et que le marchand n’avait pas une mine bien redoutable, Ascylte me tire à part : — Bonne nouvelle ! me dit-il à l’oreille ; le trésor est retrouvé : cette robe, si je ne me trompe, a fidèlement conservé nos espèces. Que ferons-nous ? à quel titre revendiquer notre bien ? — À ces mots, double fut ma joie : si, d’un côté, nous ressaisissions notre proie, de l’autre, j’étais lavé d’un honteux soupçon. — Point de ménagements ! répondis-je ; que la justice en décide ; et si cet homme refuse de restituer de bon gré ce qui ne lui appartient pas, il faut le faire assigner.


CHAPITRE XIV.

Ascylte ne fut pas de cet avis. — La voie de la justice n’est pas trop sûre, me dit-il. Qui nous connaît ici ? qui voudrait ajouter foi à notre déposition ? Il est dur de racheter son bien qu’on reconnaît entre les mains d’autrui ; mais quand nous pouvons, à peu de frais, recouvrer notre trésor, faut-il nous embarquer dans un procès douteux ?

Où l’or est tout-puissant, à quoi servent les lois ?
Faute d’argent, hélas ! le pauvre perd ses droits.
À sa table frugale, en public, si sévère,
Le cynique, en secret, met sa voix à l’enchère[1] ;
Thémis même se vend, et sur son tribunal
Fait pencher sa balance au gré d’un vil métal.