Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/84

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— D’ailleurs à l’exception de quelque menue monnaie, à peine suffisante pour acheter des lupins et des pois chiches, notre bourse était vide. Ainsi donc, de peur que notre proie ne vînt à nous échapper, nous consentîmes à lâcher la main sur le prix du manteau, sûrs de gagner d’un côté beaucoup plus que nous ne perdions de l’autre. Nous voilà donc à déployer notre marchandise. La jeune femme qui, couverte d’un voile, accompagnait le campagnard, après avoir examiné le manteau à loisir, le saisit à deux mains, puis s’écrie de toutes ses forces : — Je tiens mes voleurs ! — Étourdis de cette apostrophe, nous, à notre tour, de faire main basse sur le haillon sale et déchiré, et de nous écrier aussi : — Cette robe que vous tenez là nous appartient. — Mais la partie n’était pas égale ; la foule, attirée par nos cris, riait de nos prétentions réciproques ; car c’était un vêtement superbe que notre partie adverse revendiquait, et nous ne réclamions qu’une misérable guenille qui ne méritait pas même d’être rapiécée. Mais Ascylte vint à bout de faire cesser les rires, et obtint enfin du silence.


CHAPITRE XV.

— Évidemment, dit-il, l’expérience nous apprend que chacun tient à ce qu’il a : qu’ils nous rendent notre robe, et qu’ils reprennent leur manteau. — Le manant et sa compagne étaient près d’agréer l’échange, quand deux officiers de justice, qui