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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/88

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tant de force que ses doigts en craquèrent : — Audacieux mortels ! s’écrie-t-elle, qui vous a donc si bien appris le métier de fourbes et de fripons ? En vérité, j’ai pitié de vous ! on n’ose point impunément porter un regard curieux sur nos mystères impénétrables ; il y a dans ce pays tant de divinités protectrices, que les hommes y sont plus rares que les dieux. Ce n’est pas néanmoins la vengeance qui m’amène : j’oublie mon injure en faveur de votre âge, et j’aime à ne voir de votre part qu’une imprudence excusable dans un crime irrémissible. Tourmentée, cette nuit, d’un frisson mortel, et craignant un accès de fièvre tierce je cherchai dans le sommeil un remède à mon mal. Les dieux m’ont ordonné en songe de m’adresser à vous ; vous possédez la recette qui convient à ma guérison. Ma santé n’est pas cependant ce qui m’inquiète davantage : un plus grand chagrin me dévore ; si vous ne le calmez, il faudra que j’en meure. Je tremble que l’indiscrétion naturelle à votre age ne vous pousse à révéler ce que vos yeux ont vu dans le sanctuaire de Priape, et ne vous fasse initier un vulgaire profane dans les secrets des dieux. J’embrasse vos genoux ! écoutez ma voix suppliante ! Que nos cérémonies nocturnes ne deviennent point, par votre faute, la fable du public ! ne portez point le jour dans l’ombre de nos antiques mystères[1], de ces mystères inconnus même à plusieurs de nos initiés.