tère et mon imagination m’auraient toujours conduit à me plonger en des épreuves douloureuses, — car je n’étais pas fait pour croire que le feu brûle avant de m’y être brûlé, — je ne puis me demander sans frémir ce que je serais devenu si je n’étais passé par cette rude école. Car celle-là est à peu près la seule, à ma connaissance, qui vous assure le bénéfice de la douleur sans vous offrir les possibilités de compensations malsaines qui entourent presque toutes les autres.
Il y a l’alcool, pourrait-on objecter. — Oui, mais quoique j’aie dit sur ce point, il ne faut pas s’exagérer le danger. Qu’est-ce qu’un litre de cidre, un demi-litre de vin et un quart d’eau-de-vie répartis sur un dur travail de quinze à vingt heures, au beau milieu de l’Océan ? L’homme qui se livre à un travail sédentaire et qui, sous une forme ou sous une autre absorbe chaque jour cinq ou six centilitres d’alcool, s’alcoolise beaucoup plus sûrement qu’aucun de nos matelots pêcheurs. Pour eux, les verres d’absinthe, de vermouth ou de bitter est chose inconnue. Si quelques capitaines et quelques cambusiers deviennent alcooliques, cela n’arrive jamais aux matelots, du moins dans les navires qui pêchent au large. Et quant aux quantités de liquide, vraiment excessives, que l’on peut boire dans les journées de pêche miraculeuse, il faut les regarder comme sortant de l’ordinaire, comme une sorte d’équivalent de l’eau-de-vie versée aux soldats qui montent à l’assaut. Le moyen de s’en dispenser ?
Cela veut-il dire que tout soit pour le mieux et