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aggravation du métier ! — on ne va plus, ou ne va guère à Saint-Pierre pour se ravitailler et prendre de la boitte, comme de mon temps. Depuis les contestations qui se sont élevées entre les Français et les Anglais de Terre-Neuve au sujet des droits de pêche, ceux-ci ont refusé de vendre à ceux-là les caplans et les harengs qu’ils pêchaient sur leurs côtes. Il est devenu par suite inutile d’aller à Saint-Pierre ; on boitte avec des amorces pêchées sur le Banc ; et c’est ainsi qu’il arrive que des navires partis de Dieppe, de Fécamp, de Saint-Valéry, de Granville, de Saint-Malo et d’autres ports au mois de mars, reviennent à la fin de septembre ou en octobre sans avoir, pendant ces longs mois, rafraîchi leurs vivres ni vu aucune terre[1].

Le rôle du médecin est donc bien indiqué, sur un navire qui, bien gréé pour la marche, aura certainement chaque jour l’occasion d’interroger plusieurs navires à l’ancre, de visiter leurs malades et quelquefois de les décharger de leurs mourants. Je ne veux pas insister sur des moyens qu’il me serait difficile de faire entendre à ceux qui ne connaîtront toutes ces choses que par mon récit : qu’il me suffise de dire au nom de mon expérience que l’entreprise n’est pas seulement louable, mais qu’elle est très pratique. Le martyrologe

  1. Autre modification : au lieu de chaloupes, on n’emploie plus que des « doris », embarcations très légères dans lesquelles on va deux par deux, au lieu de sept ou huit, comme dans les chaloupes. Mais le métier n’en est ni moins pénible ni moins dangereux.