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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/150

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présent, je suis en route, intrépide. C’est ainsi que l’on ne manque pas une affaire…

« Mais voyez comme ça souffle ! Ça va si bien nous ensevelir, qu’au matin nous n’en pourrons plus sortir. »

L’ouragan se déchaînait avec une telle furie, qu’il soulevait à demi dans ses tourbillons de neige l’avant-train du traîneau.

« Pourquoi ai-je écouté Nikita ! Il fallait continuer ; nous aurions fini par arriver quelque part, quand ce n’eût été qu’à Grichkino une troisième fois. Nous aurions couché chez Tarass. »

Il se redressa sur son séant, tira son étui à cigarettes, et se tourna contre le fond de la capote pour s’abriter. Mais le vent pénétrait dans l’étroit espace et éteignait les allumettes l’une après l’autre. Enfin le bout de la cigarette s’embrasa, et Vassili Andréitch en fut tout joyeux. Bien que sa cigarette fût fumée par le vent beaucoup plus que par lui-même, le peu de bouffées qu’il en put aspirer lui firent grand plaisir.

Puis il se blottit de nouveau dans son coin et au milieu de ses rêvasseries ne tarda pas à s’assoupir.

Tout à coup il fut réveillé comme par un choc. Était-ce Moukhorty qui avait tiré brusquement de la paille hors du traîneau ? N’était-ce pas plutôt en lui-même que quelque chose s’était agité ? Toujours est-il que son cœur battait, au point qu’il lui sembla que le traîneau entier tressautait.

Il ouvrit les yeux. Rien n’avait changé, seulement il faisait un peu moins sombre.

« C’est l’aube », pensa Vassili Andréitch.

Mais il réfléchit aussitôt que ce pouvait être également le lever de la lune.

Il regarda le cheval Moukhorty, la croupe contre le