Page:Paine - Théorie et pratique des droits de l homme (1793).djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(183)

la folie, de la scélératesse & de l’imbécillité, elle tient de la nature de l’oppression. Des hommes qui se regardent comme nés pour régner, & qui regardent les autres comme nés pour obéir, ne tardent pas à devenir insolens. Séparés du reste de leurs semblables, ils sucent de bonne heure le poison de l’importance, & le monde où ils vivent diffère si essentiellement du monde où nous vivons tous, qu’ils ont bien rarement l’occasion de connoître ses véritables intérêts, & qu’au moment où ils prennent à titre de succession, les rênes du gouvernement, ils sont presque toujours les plus ignorans & les plus ineptes de ceux que renferment leurs états.

Un autre inconvénient de l’hérédité, c’est qu’elle expose le trône à être occupé par un mineur, quel que soit son âge, & que pendant toute cette minorité, un régent, à l’ombre du simulacre royal, a mille moyens de trahir le dépôt qui lui est confié, & qu’il en est sollicité par mille séductions. L’infortune des peuples est la même, lorsqu’un roi, usé par la mollesse & les infirmités, touche au dernier période de la foiblesse humaine. Dans ces deux cas, la nation est la proie de tout scélérat qui sait tirer parti des folies de l’enfance ou de la caducité.

Ce qu’on a jamais dit de plus plausible en faveur de l’hérédité de la couronne, c’est qu’elle préserve une nation des guerres civiles. Si cette proposition étoit juste, elle seroit digne de considération ; mais c’est la plus grande fausseté dont on ait jamais leurré le genre humain. D’un bout à l’autre, l’histoire d’angleterre la dément. Trente rois & deux mineurs ont régné sur cette terre de confusion depuis la conquête, & dans cet espace, en y comprenant la révolution, il n’y a pas eu moins de neuf guerres civiles, & dix-neuf rébellions. Ainsi