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VAUVENARGUES.

dépasse pas les bornes naturelles et le but positif de la vie ; les limites de notre existence sont, à ses yeux, celles de notre destinée. « Le temps où nous ne serons plus, dit-il, est-il notre objet ? » Tout au plus lui est-il resté de ses premières croyances la foi vague à une fin dépassant notre existence d’ici-bas ; car il fait allusion quelque part à « ces nobles efforts où la vertu, supérieure à soi-même, franchit les limites mortelles de son court essor, et, dune aile forte et légère, échappe à ses liens ».

Cette insouciance des hautes questions, cette impuissance à aborder les régions supérieures de la philosophie et à concevoir l’infini sous aucune de ses formes, condamnaient par avance la doctrine de Vauvenargues à une certaine médiocrité. La recherche des grandes vérités objectives de l’ordre moral, telle par exemple que Kant l’a poursuivie dans la Critique de la raison pratique, dépassait de beaucoup ses facultés de spéculation. Un caractère éminemment subjectif marqua toutes ses pensées.

Il est cependant, parmi les problèmes généraux qui forment la préface de l’éthique, une question où le moraliste est obligé de prendre parti dès l’abord, et qui donne, pour ainsi dire, la clef de sa doctrine : la question du libre arbitre. Quel pouvoir l’homme exerce-t-il sur ses déterminations ? Est-il l’instrument d’une fatalité invincible ou d’une